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23 janvier 2021 6 23 /01 /janvier /2021 11:05

Ariane était arrivée là sans même se rendre compte du chemin qu’elle avait emprunté et maintenant, devant le panneau « no left or u turn », interdiction de tourner à gauche et de faire demi-tour, elle ne savait plus que faire.

Dans sa précipitation, elle était sortie de l’hôtel sans se renseigner sur son itinéraire. Comment allait-elle le retrouver, lui, l’homme qui du premier coup d’œil lui avait tourné la tête. Devait-elle aller à gauche, à droite, tout droit ou retourner sur ses pas ? Mais voilà, l’écriteau lui dictait sa conduite. Elle savait bien que ce panneau ne lui était pas destiné, mais tout de même, il lui lançait un ordre.

Elle se retourna brusquement et regarda la route qu’elle venait de parcourir, ses longs cheveux blonds esclaves du vent, lui balayaient le visage et la sensation qu’elle en éprouva la propulsa loin dans un passé qu’elle avait voulu s’obliger à oublier.  N’était-elle pas venue à New York pour faire table rase de ce passé qui l’empêchait de vivre pleinement sa vie d’adulte ?

A présent, il y avait cette rencontre avec l’Homme.  Un regard, un sourire, quelques mots échangés autour d’une tasse de café au bar de l’hôtel et un rendez-vous donné.

Ce n’était pourtant pas son genre d’obéir à ses impulsions, elle si réfléchie, programmant méticuleusement tous les instants de sa vie. Un tourbillon, une pulsion et des yeux bleus intenses, un regard qui lui faisait croire qu’elle pouvait entrer dans l’intimité de l’Homme.

Il lui avait lancé son prénom, comme une flèche décochée dans la faille de son armure : Joachim.

Maintenant, devant ce panneau, c’était Joachim qui semblait lui indiquer le chemin. Tout droit. Pourquoi tourner à droite alors que la route droit devant elle lui permettait de ne pas revenir sur ses pas, ni de prendre de tangentes. La raison de sa venue à New York, sa rencontre avec Joachim, la poussaient à aller tout droit.

Un dernier regard derrière elle et elle s’élança d’un grand pas chaloupé vers cet ailleurs tant espéré. Après une centaine de mètres, elle ralentit l’allure et le doute commença à la tarauder. Et si elle s’était trompée, et si elle allait à sa perte et non à sa renaissance. Son pas devenait plus hésitant et ce vent qui lui venait en plein visage lui égratignait les nerfs. Pourquoi ne pouvait-elle trouver l’insouciance d’une touriste avide de nouveaux paysages, de nouvelles sensations ?

La circulation devint plus dense, de grandes voitures américaines la dépassaient dans un bruit assourdissant, les autoradios rugissaient un reggae et passaient à la voix nostalgique de Franck Sinatra sans aucune sympathie pour ses oreilles et le tout se mélangeait en une cacophonie déroutante.

Une voiture décapotable la dépassa

Machinalement elle y jeta un coup d’œil. Il lui sembla reconnaître Joachim avec une jolie jeune femme à ses côtés. Mais était-ce vraiment lui ? Certes, elle n’avait pas eu le temps de dévisager le conducteur, elle n’avait pas eu le temps de plonger ses yeux dans les siens. Il lui semblait que la ville était emplie de Joachims.

D’un mouvement d’épaule, Ariane relança sa marche. Devant, elle devait avancer tout droit et ne s’arrêter que … Que…quoi ? Que… quand ? Qui lui dirait où elle devrait s’arrêter ? Elle ne pouvait se décider seule, elle devait poursuivre, suivre cette route qui, elle l’espérait, la mènerait à l’Homme.

Ariane était fatiguée, ses escarpins n’étaient pas faits pour déambuler sans fin dans une ville. Les voitures continuaient de la dépasser en une file ininterrompue, les radios hurlaient toujours des airs contrastés. Elle avait envie de calme, de sérénité et non pas de cette course effrénée vers cet ailleurs à peine entrevu.

Elle s’arrêta net. Où était-elle ? New York était gigantesque et elle avait peur de s’y être perdue. Et si elle ne retrouvait plus jamais Joachim ?

Ariane s’ébroua, chassant ainsi les pensées parasites minant sa résolution d’avancer.  Elle se remit en route, les lumières des lampadaires s’allumaient donnant une lumière chiche sur cette avenue qui n’en finissait pas.

Elle se ressaisit au fur et à mesure que le flot des voitures se calmait. Elle devint sereine et s’était débarrassée du chapelet des « et si » qui l’avait assailli plus tôt.

Peu à peu une certitude s’installa en elle. Loin devant, venant à sa rencontre, elle aperçu une silhouette floue. Elle allongea le pas, courant presque. La silhouette devint une personne, un homme.

Était-ce lui, l’Homme ? Elle ne le saurait que quand elle aurait plongé ses yeux dans la profondeur de son regard bleu. Mais elle savait. Joachim, c’était Joachim.

Il courut au-devant d’elle, elle courut au-devant de lui. Il ouvrit les bras, elle s’y précipita et, plongeant son regard dans le sien, elle y vit toute l’espérance d’un après. Elle laissa filer de ses épaules tout le passé qui s’y était empilé.

New York, la ville de sa renaissance.

Joachim, l’Homme de sa destinée.

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16 octobre 2018 2 16 /10 /octobre /2018 10:08

« Aval, avalanche, avachi ».

Allongée sur le canapé bleu du salon, les yeux fixant le plafond, Eléonore marmonnait une suite de mots, les répétait à l’endroit, à l’envers, les examinait syllabe par syllabe, puis en décortiquait le sens jusqu’à les mélanger entre eux tout en gardant leur première lettre intacte : « alanchi, acheval … » Et bientôt sa pensée s’échappa, elle tourna la tête vers la fenêtre ouverte, attirée par l’appel d’un oiseau sur une branche du cerisier qui semblait répéter ses mots dans le désordre.

La bouche ouverte sur le dernier mot, elle écouta avec attention les bruits qui l’entouraient. Elle entendait des enfants courir, se poursuivre, s’interpeller et cela faisait sens avec ses mots inventés.

Elle aimait voir se développer une histoire avec tous ces éléments qu’elle allait assembler en un conte étrange et sans queue ni tête dont elle avait le secret.

Eléonore encore une fois allait fuir sa réalité trop terre à terre et qu’elle n’aimait plus trop. Elle était fatiguée de cette vie sans imagination avec ses collèges de travail qui lui faisaient souvent penser à ces gargouilles qu’on apercevait en levant la tête en passant devant les églises gothiques.

Elle reprit sa litanie : « hellébore, carnivore, helléniste, héliantium, hélicoptère, kimono, ile, ilot, ilote, jardin ». Non pas ces derniers, ils n’allaient pas dans son imaginaire, alors elle les poussa du pied et les fourra sous son canapé.

Elle mêla entre eux les derniers mots gardés, les roulant dans sa bouche, jouant avec les sons, trouvant des mélodies. Elle était bien et se sentait si libre qu’elle en avait le vertige. Et bientôt elle les emmena sur la mer de sa créativité, repris les quelques mots qu’elle avait caché sous son canapé et les lança sur les nuages roses qui flottaient doucement au-dessus de son monde imaginaire.

Puis tout se brouilla, ses mots lui échappèrent et tout devint opaque. Elle ne paniqua pas car c’était pareil à chaque fois. Elle savait que tout reviendrait en place et qu’elle allait retrouver cette qualité de l’évasion, sans même faire un effort de volonté : il suffisait qu’elle reste dans un état vacant, cet état rare qu’elle savourait avec gourmandise. 

Mais une phrase vint se vautrer dans son esprit : « ne va surtout pas te salir ! » D’où venait cette injonction qui lui rappelait un passé lointain et que faisait-elle là ? Une autre phrase lui succéda immédiatement comme une vieille rengaine mille fois entendue : « dépêche-toi, viens travailler ». Non, elle ne voulait pas de cette interférence dans ses rêves, pourtant c’était une utopie de vouloir attendre une vacance de pensée. Elle essaya un exercice pour s’en débarrasser et elle répéta : « valide, valise, vas-y, wagon, wilophone, yole, zanzibar, saouziga, xiloyole, waziphone »

Et elle arriva à son état de vacance lorsqu’elle fut réveillée par son nom crié à tue-tête « Eléonore ! ».

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11 mai 2018 5 11 /05 /mai /2018 10:27

« Allo !

C’est toi !

Oui…oui… d’accord,

Deux heures de l’après-midi ?

J’y serai »

Elle était si jolie … Cette vieille rengaine lui était venue immédiatement en tête.

C’était Linda au bout du fil.

 

Une fois le téléphone raccroché, il se prend à rêver à leur prochaine rencontre. Elle lui plait bien, Linda !

Une salle d’attente, c’est fait pour ça : attendre.

Une salle d’attente, avec ses odeurs de pas vraiment propre, son sol en dalles de carreaux beige et marron, ses murs beige sale, ça n’engage pas vraiment à attendre, longtemps.

Deux heures dix. Il attend. Elle sera là. Elle lui apparaitra toute souriante sautillant légèrement, sa large jupe tournoiera agréablement autour de ses jambes.

Deux heures trente. Trop, ce n’est pas possible. C’est elle qui lui a imposé cet horaire.

Encore un quart d’heure et il s’en ira.

Cette fille n’est pas sérieuse, si à trois heures elle n’est pas là, il s’en va.

Elle pourra toujours l’appeler au téléphone, il ne sera pas là.

 

 

Elle est là à faire le poireau. Elle lui avait pourtant dit deux heures de l’après-midi, elle a été claire, elle est toujours claire.

Elle fait le va et vient entre la salle d’attente, la salle des pas perdus, l’extérieur de la gare.  Elle s’en va et elle revient … la chanson tourne en ritournelle dans sa tête. Une réclame sur un mur montre un jeune homme mince, beau, aux cheveux noirs de jais, un sourire doux sur ses lèvres bien ourlées.

Ce pourrait être Luc.

 

Deux heures et demi, elle rêve que Luc apparait, il lui ouvre les bras, elle s’y précipite, ils s’étreignent, se murmurent des mots doux comme un marshmallow fondant doucement dans la bouche, ils s’en vont enlacés sur le chemin bordé d’arbres séculaires.

Elle s’éveille de son rêve éveillé.

 

Et s’il lui était arrivé quelque chose. Elle écoute les annonces égrainées dans le haut-parleur de la gare. Il est certainement tombé, s’est cassé la jambe, ou une voiture l’a renversé, ou ….

 

Sous le pont, des rails, encore des rails, les compter, dix, vingt, elle a dû en oublier et elle n’est pas arrivée à la moitié. Ce pont n’en finira jamais. Plus facile de rentrer par l’autre ligne. Journée gâchée, journée fichue, mais ce soir elle l’appellera, ce soir elle s’assurera qu’il va bien, qu’il est entier. Et demain, elle le retrouvera, et le jour d’après, et tous les jours suivants. Des Luc comme lui, il n’y en a qu’un, un seul, le sien parce qu’il est si…

Pont reliant la gare RATP à la gare SNCF.

 

 

C’est bien ça, les filles, on ne peut jamais compter sur elles, toujours en retard, elle a certainement pris trop de temps pour se pomponner, mais elle est très bien au naturel, elle n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour lui plaire. Il est un homme facile à contenter. Etre à l’heure, ce n’est pas si difficile, question de politesse, de respect de l’autre.

Il l’aime, il l’aimait… presque.

 

Changer de ligne, ne pas faire le même chemin qu’à l’aller. Penser que l’on a fait un périple, un voyage initiatique, une aventure, Paris Paris en boucle passant de la SNCF à la RATP.

Pont gris, ciel chargé, rails acier, traverses foncées, lignes électriques bien rangées, rails gris foncé, traverses espacées, ciel émaillé, lignes acier, arches vite passées, pont gris.

Pont reliant la gare SNCF à la gare RATP.

 

Impossible…

Pantalon beige, pull gris foncé, cheveux noirs, air farouche. Attirant.

Ne pas rêver.

Impossible !

 

 

On dirait…

Jupe bariolée, virevoltante autour de jambes bien dessinées, ballerines noires échancrées, chemisier blanc immaculé. Cheveux auburn rebiqués. Regard dans le vague et léger sourire aux lèvres, mystérieux.

On dirait…

 

 

Il a ouvert ses bras.

Elle s’est précipitée.

Une heure, c’est vite oublié.

 

 

Pont entre gare SNCF et gare RATP.

Trois cent mètres en totalité.

Cent cinquante mètres vers elle.

Cent cinquante mètres vers lui.

 

Ciel bleu,

Rails dorés,

Oiseaux virevoltant légers.

Une heure, c’est vite oublié !

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4 février 2018 7 04 /02 /février /2018 12:04

Elle s’était perdue dans ce grand hôtel sur la Baltique. Elle avait rendez-vous avec Eugeniusz, Genek. Quand elle l’avait rencontré dans le bar de l’hôtel, il lui avait dit qu’elle ne pouvait pas se tromper, mais elle avait oublié ses explications. Il ne lui restait plus qu’à essayer toutes les portes du grand couloir du 2ème étage du Grand Hôtel de Sopot.

La première porte était gris clair, sans histoire, digne de ce grand hôtel qui avait eu ses heures de gloire entre les deux guerres, avant le communisme. Digne mais rébarbative. Elle colla son oreille contre la porte mais n’entendit que le bruit de son rythme cardiaque. Elle se décida à l’ouvrir, elle ne lui résista pas, elle avança lentement la tête, un couloir avec une armoire sur la gauche, elle avança à pas feutrés et se trouva dans une grande chambre carrée, personne dans la pièce, un grand lit de bois clair recouvert d’un couvre-lit de coton d’un blanc immaculé, un fauteuil crapaud recouvert d’un chintz à grosses fleurs d’un vert et jaune délavé, une petite table, une vilaine télévision des années 80. Elle n’imaginait pas Genek dans cette pièce, impossible !

 

Elle sortit et se retrouva dans le couloir dont le plancher était recouvert d’une vieille moquette qui fut grise en des temps plus glorieux et elle se dirigea vers la porte suivante. Elle était peinte d’un gris à peine plus foncé. Mais encore une fois on ne pouvait deviner ce qui se cachait derrière la porte, aucun bruit, aucune odeur pour masquer celle du couloir qui avait été agrémenté d’une vague odeur de jasmin trop bon marché. Elle frappa, tendit l’oreille, pas de réponse. Elle ouvrit doucement la porte, elle entendit des bruits d’eau qui coule ; elle avança précautionneusement plus avant, le lit était en bataille, une valise grande ouverte débordait de linge féminin, un soutien-gorge noir, des collants résilles ; une robe rouge sang était jetée négligemment sur le fauteuil ; les bruits d’eau se faisaient plus précis. Une odeur de muguet manqua la faire éternuer. Décidemment pas un endroit où elle trouverait Genek.

La porte suivante était d’un gris encore plus prononcé, un gros chiffre orange occupait tout le haut de la porte : 33. Elle n’avait pas remarqué de chiffre sur les deux autres portes, bizarre, la poésie polonaise, pensa-t-elle. Elle frappa résolument. « Genek ? » Personne ne répondit à son appel. Elle poussa la porte, elle était beaucoup plus lourde que les deux autres. La chambre était dans la pénombre, la fenêtre ouverte laissait entendre le bruit du ressac de la Baltique. Elle était très différente des autres chambres, plus chaleureuse : les murs étaient peints en jaune tendre, les meubles peints en noir et le dessus-de-lit ainsi que le fauteuil crapaud étaient de velours vert anglais, le sol laissait apparaître un parquet de chêne au point de Hongrie ; sur un mur, un piano noir laissait voir ses touches ivoires et noires. Un homme assis sur une chaise lui tournait le dos, un journal largement étalé devant lui. Il semblait âgé, une abondante chevelure blanche lui tombait sur les épaules, et elle était pourtant certaine qu’il s’agissait d’un homme. Il portait un costume gris foncé et le col de sa chemise blanche se mêlait à ses cheveux. Il tourna imperceptiblement la tête vers elle, « il y a quelqu’un » dit-il d’une voix cassée. Elle s’enfuit en marmonnant une excuse.

 

La quatrième porte était d’un orange doux, plutôt couleur de pêche pensa-t-elle. Un gros chiffre barrait le haut de la porte : 35. Elle se dit qu’il y avait une certaine logique. Elle se demanda pourquoi elle avait eu l’idée saugrenue d’accepter de retrouver Genek dans sa chambre, mais elle se reprit car il le fallait. Elle ne prit même pas la peine de frapper et entra sans plus de précautions. Tant pis si elle dérangeait quelqu’un. La chambre était peinte du même orange que la porte, et les meubles disparates s’harmonisaient grâce à une peinture gris tourterelle. Elle chantonna : Genek, Genek, Genek en faisant des vocalises. La fenêtre grande ouverte laissait voir la mer à quelques mètres en contre-bas, grise comme le ciel, avec de grosses vagues déferlant sur le sable gris lui aussi. Décidemment, même la mer n’avait pas d’imagination. Le vent faisait bouger les voilages blancs de la pièce, une odeur de mer, de musc ambré, d’homme ; trop d’odeurs se mêlaient, s’emmêlaient, se répondaient, se contredisaient, et lui faisaient tourner la tête. Elle entendit une femme crier : « dobje, Andrzej » suivi de mots en polonais qui lui semblèrent incompréhensibles.

Elle ressortit et se dirigea vers la porte suivante, celle-ci ne portait d’autre indication qu’un petit L barré peint en noir sur du blanc sale montrant des traces de doigts. Elle l’ouvrir, et tomba nez à nez avec des balais, des seaux, des serpillères. Une forte odeur de crasse et de moisi lui sauta à la gorge. Elle referma la porte rapidement et passa à la suivante.

Bizarrement cette porte était peinte en rose tendre, un rose layette qui dénottait dans ce vieux palace, comme si quelque locataire éphémère avait choisi cette couleur pour sa convenance personnelle. Elle poussa la porte et failli s’étaler dans la chambre car cette porte n’avait pas la lourdeur des autres, mais était légère, une porte de pacotille. La moquette d’un brun démodé avec de larges fleurs d’un orange criard n’avait pas dû être changée depuis les années 70. Les murs reprenaient la couleur rose de la porte. Un lit de fer noir était poussé dans un angle et un gros fauteuil de cuir brun défoncé était occupé par une vieille dame chétive toute habillée de rose dont le corps se perdait dans les bras de ce grand fauteuil. Un vieux piano s’excusait presque de sa présence incongrue dans cette chambre aux couleurs de bonbon anglais. « Oh, excusez-moi, Madame ». Et la femme lui répondit dans un français approximatif mais charmant avec son accent chantant, « entrez, entrez, et vous raconter moi jolies histoires ». Mais son rendez-vous avec Genek ne lui permettait pas de s’attarder plus avant.

Elle se demanda si elle allait ouvrir cette porte, la septième : elle en avait assez de cette pérégrination dans ce couloir. Allez, la dernière, se dit-elle, et pourtant elle savait qu’il fallait absolument qu’elle honore son rendez-vous avec Genek, c’était trop important. Cette porte était bleu moyen, un peu sale, le chiffre 43 inscrit dans le haut se répétait tout le long.  A travers la porte, elle entendit un son de piano, en prêtant l’oreille elle devina un nocturne de Chopin. Elle s’abima dans son écoute. Le pianiste était vraiment doué, elle s’en rendait compte même à travers la porte, elle en oublia de respirer. Elle ne pouvait interrompre le musicien et attendit la fin du morceau pour s’aventurer dans la chambre. Un piano noir droit occupait un pan de mur et devant lui, était installé Genek. Il avait encore les mains levées au-dessus du clavier lorsqu’il se tourna vers la porte. Un sourire lui éclaira son visage sévère en temps ordinaire. Elle avança d’un pas hésitant, le trac, pensa-t-elle. « Entre, entre », lui dit-il joyeusement. « Viens t’assoir à côté de moi que l’on répète notre morceau, n’aie pas peur, viens ». Il lui tendit la main, elle la prit et s’assit à ses côtés. Après un bref regard vers lui, elle leva ses mains au-dessus du clavier et attaqua le morceau de musique avec sa détermination retrouvée. Elle était arrivée à bon port, et sa répétition avec ce grand artiste polonais lui permettrait, elle l’espérait, de remporter le prestigieux concours international.

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14 janvier 2018 7 14 /01 /janvier /2018 16:35

Quoi faire ? Partir ou rester ?

Les yeux fixés sur le seul arbre qu’elle voyait de sa fenêtre, Armelle ne savait que faire. Elle avait aimé faire parti du flot qui quittait la capitale surchauffée en ce début d’août.

Mais partir où ?

De toute façon, sa solitude serait la même ici ou là-bas. Partir seule ! L’arbre dehors lui faisait de l’œil, l’incitant implicitement à partir. N’en avait-elle pas assez de n’avoir que lui pour seul horizon ? Son regard s’éleva vers le ciel orageux qui n’attendait qu’un signe pour déverser un déluge bienfaisant.

Fuir cette chaleur. N’était-ce pas ce qui la tentait ? Et rester, n’était-ce pas triste de gâcher ainsi ses vacances dans son petit meublé au sixième étage sans ascenseur.

Elle allait partir ! Dès demain pour ne pas se donner l’occasion de renoncer.

Elle irait à la gare Montparnasse, elle ferait la queue à un guichet, et prendrait le premier train pour l’ouest, de préférence au bord de la mer. Elle ne prendrait qu’une petite valise pour ne pas s’encombrer et elle descendrait dans une petite station balnéaire où elle dégoterait une chambre.

Et si elle ne trouvait pas de logement ? Déjà l’angoisse la saisissait. Mais elle se reprit bien vite et partit se coucher, sa résolution bien ancrée dans son cerveau.

Elle allait oser. Elle irait à la découverte d’un ailleurs qui lui tendrait les bras.

Peut-être allait-elle se découvrir en partant à l’aventure.

Elle se sentait gonflée de ce bel optimisme naissant.

Demain, elle partirait !

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14 janvier 2018 7 14 /01 /janvier /2018 16:32

Chère Emeline,

J’ai vécu une chose inouïe, incroyable, délectable, inattendue, admirable, étonnante… Bien, tu vas me dire que, encore une fois, je m’emballe, je me laisse aller à ma passion de conteuse, que, bref, j’exagère !

Eh bien non ! Enfin, à peine, bon, d’accord, un peu.

Tout compte fait, maintenant que tu m’as demandé de te conter mes faits et gestes pour t’aider à passer le temps alors que tu es clouée sur ton lit d’infirme… Non, pas d’infirme, tu n’aimes pas ce mot, donc alors que tu te prélasses sur ton canapé dans ton village loin de l’agitation des hommes… des femmes dans mon cas particulier.

Voilà, tu m’embrouilles et je ne sais plus où j’en suis. Donc j’ai rencontré un homme, pas ce que tu penses, tout bien tout honneur, peut-être mon futur directeur dont je sais s’il a tant d’honneur que cela, mais pour les biens, il ne doit pas en être démuni, vu la qualité de sa veste.

Et cet homme m’a demandé… a voulu savoir… m’a questionné… Alors je lui ai tout dit. Tout dit quoi ? Mais tout dit sur moi, évidemment. Trop peut-être, tu me connais, quand je commence, je ne peux plus m’arrêter, et ce sujet me tenait à cœur, mon cœur est si grand et en même temps si fragile… Tu continues à me lire ? Tu n’as pas encore posé ma lettre en levant les yeux au ciel, en te disant : elle parle encore d’elle ! Evidemment puisque c’était ce qu’il voulait et comme ne me déplais pas vraiment, j’avais beaucoup à raconter.

Tu dois te demander quelle était sa réaction : il me regardait d’un air posé, avec de beaux yeux bleu clair bordés de cils noirs épais qui ne sillaient pas et se plantaient dans mon regard vert. Tu sais combien mes yeux peuvent être ensorcelants, évidemment j’essayais d’y mettre le plus de mystère possible.

Au fur et à mesure de ma diatribe – j’adore ce mot, bien que je ne sache pas vraiment ce qu’il veut dire – je voyais un coin de sa lèvre droite – gauche pour lui, mais droite pour moi – qui se soulevait en un rictus fort plaisant.

Combien de temps suis-je restée avec lui ? Le temps m’a paru s’étirer longuement. Non, je ne l’ennuyais pas, il avait l’air très intéressé par mon récit. Et tu me connais, j’enjolivais ici, j’en rajoutais un peu là. Mais si, bien sûr qu’il m’a crue. Tout était parfaitement logique.

Comment j’étais habillée ? Tu veux vraiment tout savoir : très simplement, très soignée, ma robe n’était ni trop serrée ni trop large, ni trop courte ni trop langue, à la mode mais sans ostentation, mes chaussures avaient un petit talon, j’avais mis une bague discrète, pas un de ces cabochons énormes qui me couvrait deux doigts à la fois. J’étais vraiment presque parfaite. Tu en doutes. Tu ne savais pas que j’avais ce genre de vêtement dans ma garde-robe. Evidemment non, j’e l’ai emprunté à mon amie Violette.

Lorsque l’entretien a été fini, il s’est levé, très gentlemen, m’a remercié gracieusement et m’a raccompagnée à la porte ne me disant : « on vous écrira ». Tu vois, c’est prometteur, je crois que cette fois-ci je le décrocherai ce job. Je dis toujours cela ? C’est mon côté optimiste. Je sais, tu te dis que comme d’habitude, j’en ai trop fait. Non, je t’assure, j’étais parfaite, presque, à moins que ...

Tu vois, tu mets le doute dans mon esprit. Non, non, ça ira bien !

Bon, Emeline chérie, je t’embrasse et te tiendrais au courant de la suite. Prends bien soin de toi. Adeline.

 

 

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14 janvier 2018 7 14 /01 /janvier /2018 16:29

Un mot se répète à l’infini : turpitude. Lancé par l’un en chuchotant, repris par un autre en chantant, un troisième en criant, un quatrième… la foule entière.

Je suis dans une grotte, de l’eau tombe des stalactites et une goutte me coule dans le cou, puis une autre, une troisième, cela dure un temps infini. Mon cou me fait mal à l’endroit où l’eau tombe, je me déplace, une nouvelle goutte atterrit toujours au même endroit, en laissant échapper un bruit de crystal qui se casse. Je cours d’un endroit à l’autre, sans succès : toujours la goutte !

Dans le clair-obscur de la caverne, j’aperçois des personnages d’une autre époque qui passent en une file indienne désordonnée. D’où viennent-ils. D’un autre univers ? D’un au-delà mystérieux et effrayant ? Un des personnages de détache de la file et vient me narguer : il est très petit et ressemble à un gnome des contes de fées, difforme, avec de grandes mains, un petit torse tout de vert vêtu, un chapeau rouge n’arrive pas à dissimuler ses grandes oreilles pointues. Même pas peur !

Puis il s’éloigne en boitillant, peut-être mécontent de ne pas avoir atteint son objectif.

J’avance dans l’espoir de trouver une sortie mais un enchevêtrement de stalactites et de stalagmites qui ont été déviées de leur route originelle, se faisant des nœuds entre elles, me barre le chemin. Je bifurque sur ma droite et je suis étonnée de ne plus savoir qui je suis. Je me creuse la tête. Je m’assieds à même le sol gelé. Je cherche des indices. Quel âge ? Quel sexe ? Quel père et quelle mère, ai-je des frères et sœurs ? Suis-je heureuse ou malheureux ?

Ces questions métaphysiques tournent dans ma tête et s’emmêlent, je leur cours après, mais elles m’échappent. Alors je crie, et mon cri raisonne et se cogne contre les concrétions qui les coupent en morceaux inégaux et me les renvoient tel un chant saccadé me faisant penser aux gymnopédies d’Erik Satie. Tiens ! Est-ce quelqu’un que je connais ? Je me raccroche à ce mot, un autre mot me frappe au visage avec sa gueule béante : négritude, puis Gertrude et Cunégonde.

Ma tête ne connait plus mes jambes qui restent sur place alors que ma tête, telle un bubon maléfique, lance des yeux affolés dans tous les recoins de l’espace. Mes jambes se prennent à leur cou et rejoignent ma tête qui les accueille sans trop y penser. Mes mains empoignent une stalactite et tente de la décrocher de sa base au plafond, mes doigts se collent dessus et je reste soudée, je henni pour tenter de les décoller et leur assène toutes les injures que je peux trouver et finalement c’est « gymkhana » qui me libère et je tombe sur une roche puis rebondis sur un autre.

Un nuage vient d’entrer et bloque l’espace, trop gros pour passer, alors il se contorsionne tant qu’il peut et finit par aller se lover dans une niche naturelle qu’il nimbe de sa blancheur poudrée. Je reste clouée sur le sol devant tant de beauté. Mais la beauté me fait mal, bloquant ma bouche grande ouverte. Un turlututu vole à mon secours et me referme la bouche.

Je tourne le dos à ce beau nuage maléfique et me dirige vers une lumière qui ne peut être que la sortie tant espérée.

Je pousse un cri de joie libératrice et me réveille.

Je suis allongée dans la forêt sous un arbre gigantesque, devant moi le trou béant d’une caverne !

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8 octobre 2017 7 08 /10 /octobre /2017 16:39

 

 

Elle s’accoude à la fenêtre de sa chambre. Elle vient de rentrer après une journée sans saveur, sans saillie, sans désir, une journée tiède qui donne envie de rentrer chez soi et de mettre un film de fille su son lecteur, histoire de terminer cette journée un peu mieux qu’elle n’a commencée.

Elle s'octroie un fond de whisky, in Isley bien tourbé et pose son verre sur sa commode. Elle jette ses talons sur le parquet de sa chambre, enlève sa robe de business women et enfile un legging noir sur lequel elle plante un large T-shirt gris. Elle reprend son verre et s’approche de la fenêtre qu’elle ouvre en grand et s’accoude à la rambarde. Devant elle, une vue plongeante sur les toits de Paris, de hauteurs différentes, mais tous gris, tous habillés de zinc, certains sont bombés, d’autres droits, ils montrent des reflets différents selon leur orientation.

Par réflexe, elle commence à les compter : elle en trouve 23 différents. Elle examine ce chiffre : ce 23 lui plait, c’est un bon chiffre. Au-delà de la prairie des toits, le soleil couchant teinte le ciel d’un orangé subtil se mélangeant par petites touches à un gris coloré. Elle trempe ses lèvres dans son verre de whisky, il lui râpe agréablement la gorge en passant.

Sous les toits, des fenêtres sont illuminées. Elle n’hésite pas à les compter à leur tour, 80. Mais elle doute de ce résultat et elle recompte : 79. A l’extrémité de son champ de vision, une fenêtre vient de s’éteindre. Elle se décide à la soustraire au chiffre qu’elle a trouvé, prenant la décision de ne comptabiliser que celles qui sont illuminées. A quoi sert une fenêtre si elle ne se fait pas remarquer par une incandescence seyante. Donc il n’y a plus que 78 fenêtres illuminées !

Après une nouvelle gorgée de whisky, elle décide d’ajouter le nombre des fenêtres illuminées à celui des toits : 23 plus 78 : 101. Cent un. Elle a l’impression d’une petite victoire pour avoir dépassé le chiffre rond et sans imagination de cent. Son regard se porte à nouveau sur la fenêtre sombre qu’elle devine à peine. Elle la fixe le temps de compter jusqu’à 101.

 Une ombre se profile alors à la fenêtre. Se sentant trop exposée à cette ombre, elle décide d’éteindre la lumière de sa chambre et retourne se mettre à la fenêtre. L’ombre est toujours là : un homme, une femme ? Est-ce que cela a de l’importance ? Dans un certain sens, oui. Elle se pose la question : doit-elle ajouter cette ombre au chiffre 101 ? Elle attend quelques minutes en continuant de boire. Si elle l’ajouter, cela va peut-être fausser cet équilibre savant, est-ce que cela ne va pas être le grain de sable qui va tout changer ?

Elle entrevoit les chiffres qui dansent dans le coucher de soleil : 23, 79, non 78, 101, et puis enfin 102. Les chiffres se parent des couleurs du ciel et volent, s’entrechoquent, se frôlent, le tout dans un silence discordant, et bientôt un chiffre, un seul, se détache des autres et enfle, enfle pour occuper tout l’espace du ciel et les autres chiffres s’éparpillent, se disloquent et rapetissent pour disparaître de son champ de vision.

Le 101 arrive vers elle et se fiche devant la fenêtre de sa chambre et reste là, obstinément immobile.

Une dernière rasade de whisky et elle s’échappe à reculons de ce chiffre énorme qui la nargue. Elle se réfugie dans la cuisine, ouvre le frigo, sort une tranche de saumon fumé qu’elle accompagne d’une grosse cuillère de taboulé fait maison, ouvre une bouteille de bourgogne aligoté qu’elle garde toujours au frais, allume son lecteur de CD et y insère un CD de Django.

En dégustant son repas sur fond de musique, elle pense qu’elle a eu raison d’aménager dans ce septième étage d’un immeuble haussmannien du dixième arrondissement.

 

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8 octobre 2017 7 08 /10 /octobre /2017 16:37

 

 

« Vous prenez les globules, les blancs bien sûrs, à moins que ce ne soient les rouges, bon, bref, vous prenez les globules : s’ils sont dans une écrasante majorité, je veux dire s’il y en a trop, beaucoup trop, cela peut conduire le patient à une certaine instabilité, en fait une instabilité certaine … »

Jean-François pérorait dans un coin du salon, une flute de champagne à la main qu’il agitait tant que des gouttes s’échappaient et s’agglutinaient sur les verres épais de ses lunettes.

Jeanne trouvait que cela lui donnait un air ahuri. Quelqu’un profita des quelques secondes de silence pour lancer un « amen » d’une voix de basse profonde et Jean-François se retrouva seul, ses yeux de myope baissés vers son verre à moitié vide.

La soirée commençait mal pour lui : il ne comprenait pas comment aussi rapidement, il se retrouvait seul dans les soirées. Il dodelina de la tête et vida sa flute d’un seul coup pour pouvoir s’en débarrasser au plus vite, il avala de travers et fut pris d’une quinte de toux qui lui fit monter les larmes aux yeux.

Jeanne se rapprocha de lui :

« Jean-François, décidemment tu as des comptes à régler avec les liquides : d’abord les globules, puis le champagne et maintenant les larmes, il ne manque plus …

-          Non Jeanne, ne va pas plus loin ».

Jeanne lui lança un regard amusé, comme d’habitude elle allait dire une énormité. Elle pensa que décidemment qu’ils faisaient la paire.

« Donne-moi tes lunettes que je les essuie » D’un geste qui manqua lui décoller l’oreille droite, il les arracha de son visage et les lui tendit.

Après un regard furtif autour d’elle, Jeanne attrapa un coin de la nappe de la petite table à côté d’elle et essuya méthodiquement les lunettes de Jean-François. Puis elle leva les yeux vers lui, débarrassé de ses verres épais il avait un certain charme. Ses yeux se posèrent sur son regard de myope, et certaine qu’il ne la voyait pas distinctement, elle le dévisagea avec attention. Dommage qu’il ne sache pas être en compagnie sans essayer de donner un cours magistral sur un de ces sujets qui n’intéressait que lui.

Finalement elle le trouvait attendrissant et elle ne peut s’empêcher de le déshabiller du regard, puis elle l’imagina nu devant elle, grand, mince, avec de grands bras qu’il ne savait où placer mais qui pourraient volontiers enserrer sa taille, ses … Stop, il fallait qu’elle s’arrête immédiatement ; alors avec un léger sourire, elle lui replaça les lunettes sur le nez.

Il lui prit la main et y déposa un baiser furtif.

Décidemment, se dit-elle, il ne doit pas être mal en petit comité, juste lui et elle, et sans ses lunettes. Avec des lentilles, tout deviendrait possible. Il suffirait juste de ne pas se faire inviter à des mariages, ni à des enterrements.

Elle lui prit la main et l’entraîna vers la sortie.

Au fond, les grands binoclards pouvaient aussi être intéressants : il n’y avait pas que les lunettes, il y avait le reste !

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8 octobre 2017 7 08 /10 /octobre /2017 16:34

 

-          Alors il a pris son téléphone dans sa main droite et…

-          Et il a appelé l’homme au parachute.

-          Mais il n’était pas là, alors il a fermé ses yeux…

-          Non, il a juste fermé un œil !

-          Si tu veux. Alors il a fermé un œil tandis que l’autre regardait la vieille mappemonde de son grand-père.

-          Non, c’était celle de son arrière-grand-père !

-          Oui tu as raison. Et il a ouvert son œil parce qu’il lui a semblé qu‘il manquait un pays.

-          Tr crois qu’il pouvait voir ? Il était trop loin !

-          Il s’est rapproché pour voir. Il manquait…

-          La France.

-          Il manquait le Luxembourg.

-          Où c’est le Luxembourg ?

-          C’est un petit point écrasé par la Belgique, l’Allemagne, la France.

-          Alors c’est important !

-          Oui, mais pas autant que la Suisse.

-          La Suisse, c’est là où un troubadour a mis une pomme sur la tête de quelqu’un et a visé la pomme ?

-          Oui, mais celui qui avait la pomme sur la tête n’était pas très content. Il avait peur que le troubadour lui perce l’œil au lieu de faire tombe la pomme. Mais tu me déconcentres, je ne sais plus ce que je voulais dire. Oui, finalement il a pu parler à l’homme au parachute.

-          Il voulait lui dire quoi ?

-          Il voulait lui dire qu’il fallait qu’il s’élance dans le ciel pour chercher le Luxembourg qui était perdu et le ramener pour qu’il reprenne sa place sur la mappemonde.

-          Ben oui, c’est dangereux quand il manque un pays. Les habitants, ils ne savent plus où ils habitent. Alors ils font n’importe quoi.

-          Tu vois, c’était une mission vraiment importante »

Un silence, puis Maxou qui était assis en tailleur à même le plancher poussiéreux du grenier de la Grande Maison, interroge son frère ainé du regard. Mais Théo est plongé dans ses pensées.

-          Alors ?

-          Alors le parachutiste va me rappeler. 

-          Dring, dring, dring.

-          Non Maxou, c’est trop tôt pour sonner, il n’a pas eu le temps.

-          Oui mais moi je veux savoir, alors dring, dring, dring !

-          Allo. Oui Monsieur le parachutiste. Oui, Ah ? Vraiment ? Ça alors, je n’aurais jamais cru ! Oui, oui, merci.

-          Qu’est-ce qu’il t’a dit ?

-          Il m’a dit qu’il l’avait retrouvé, il était caché derrière la grande horloge du temps à reculons.

-          Du temps à reculons ? Ça veut dire quoi ?

-          Ça veut dire que le temps, il va en arrière. Donc il l’a retrouvé derrière l’horloge du temps à reculons, dans le temps de 1889, à 4h00 exactement.

-          Pourquoi à quatre heures en 1889 ?

-          Ben parce qu’il voulait être présent à l’inauguration de la Tour Eiffel.

-          Mais le Luxembourg, il n’était pas français, et puis il savait pas le jour !

-          Oui, mais c’est comme ça, le parachutiste l’a su mais il ne me l’a pas dit. Le Luxembourg voulait y être à ce moment-là. Parce que lui, le Luxembourg, il n’a rien d’aussi beau chez lui.

-          Ah ! Comment il l’a ramené ?

-          Il a pris un aimant en forme de fer à cheval et il l’a tiré de toutes ses forces. Et voilà ! Tu vois sur la mappemonde, le Luxembourg est revenu à sa place.

-          Je suis bien content pour les gens qui habitent le Luxembourg. »

 

-          « Maxime, Théo, où êtes-vous ? Toujours fourrés dans ce vieux grenier à vous raconter des histoires, alors qu’il fait si beau dehors. Maxime, Théo, on part à la plage ! »

 

 

Les deux garçons se lancent un regard de connivence et se précipitent pour dévaler les escaliers, les yeux de Maxou pleins d’admiration pour ce frère qui sait si bien raconter des histoires.

 

 

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