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11 janvier 2020 6 11 /01 /janvier /2020 15:27

J’allais d’un bon pas, de celui de quelqu’un qui sait où il va et le fait sans hésitation, sûr de son action, certain de sa détermination.

Neuf heures tapantes, la ponctualité est certainement une de mes qualités.

 Un dernier coup d’œil à ma tenue. Impeccable, on ne pourra rien trouver à y redire.

Neuf heures tapantes donc, je m’arrêtais devant la lourde porte peinte en faux bois du 55 de la rue de la Boussole. Je sonnais, ni de manière prolongée ni trop timidement d’une bonne sonnerie franche et claire. On ne sait jamais comme on va être jugé et autant commencer d’un bon pied.

Une minute. Temps normal pour qu’un concierge s’extirpe de la moiteur de sa loge et vienne ouvrir cette poste cossue des beaux quartiers.

Je n’allais tout de même pas sonner à nouveau après seulement une minute : ce serait faire montre d’un caractère agité, voire intempestif. Je me dandinais d’un pied sur l’autre car le froid commençait à les atteindre.

Trois minutes. Je sonnais à nouveau, cette fois-ci en appuyant plus fortement sur la sonnette ; je collais mon oreille à la porte pour tenter de déceler quelque bruit. Rien. Ce silence derrière cette porte n’augurait rien de bon. Même pas un soupir, même pas le bruit d’un gravier crissant sous la semelle d’un quelconque habitant de cet auguste immeuble.

J’attendis cinq minutes, peut-être six, et je sonnais de nouveau, laissant mon index appuyé plus longuement sur le bouton de cuivre fraichement astiqué de la sonnette. Encore une fois, je pressais mon oreille contre les stries imitant le chêne de la lourde porte. Toujours rien. Je tapais des pieds, car le froid commençait à me mordre les orteils.

Derrière moi, quelques voitures à cheval passaient au ralenti. Je devais avoir l’air ridicule planté ainsi devant cette porte, ou derrière, tout dépendant du point de vue.

J’examinais mon accoutrement d’un œil critique : j’étais suffisamment à la mode sans être extravagant, le pli de mon pantalon gris était impeccable, ma redingote noire avec son col de velours ne montrait pas ses quelques années d’existence, mes bottines noires avaient été cirées ce matin et on n’apercevait pas mes chaussettes grises elles aussi. Ce matin, j’avais attaché une attention toute particulière à mes vêtements que j’avais d‘ailleurs préparés hier soir.

Cette fois-ci, je pressais le bouton en petits coups que j’imaginais stridents, suivis de coups plus longs, ce qui me rappellait le morse que j’avais appris autrefois. Cela devait faire maintenant dix longues minutes que je faisais le planton. Je m’amusais à frapper SOS en morse sur la sonnette. Mais ce dernier appel anxieux n’avait pas généré plus de bruit derrière la porte.

Je me demandais ce que je devais faire : insister, car tout de même cela me chagrinait de m’être préparé de cette manière si méticuleuse. Et si je partais. Mais ce serait vraiment dommage : ils ne sauraient pas ce qu’ils perdaient.

J’en étais là de mes réflexions lorsqu’une personne sortit de l’immeuble voisin et m’aborda :

« Mais Monsieur, ce n’est pas la peine de sonner, il n’y a personne.

  • Personne ? Mais j’avais rendez… » Je n’eus pas le temps de finir ma phrase :
  • « Chut Monsieur, je ne veux rien savoir. Hier la police est venue et a embarqué tout le monde ».

Fort de cette explication, je pris mon air le plus détaché et néanmoins distingué et repartis d’où j’étais arrivé.

 

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